Monday, December 14, 2015
Régionales 2015 : Sarkozy zappé par TF1, flingué par NKM... Le grand perdant, c'est lui
E PLUS. Sept régions pour la droite, cinq pour la gauche et aucune pour le FN. Les régionales sont des élections sans véritable vainqueur, mais où un seul homme a incarné la défaite : Nicolas Sarkozy. Dans ce premier acte de la primaire de Les Républicains, l’ancien président de la République est apparu sur les écrans complètement dépassé par les événements, explique Olivier Picard.
On le sait : Nicolas Sarkozy est un fou de télé. Mais la télé, maîtresse ingrate, finira un jour par le tuer. Au soir de ces régionales 2015, on a peut être assisté à la première séquence du crépuscule politique de l’ancien président de la République… et de tout ce qu’il représente.
Un mauvais tempo d’abord. Dans un réflexe incroyablement amateur pour ce pro des média, il a péché par excès d’assurance : le présomptueux n’avait pas compris qu’il n’était plus forcément prioritaire sur les plateaux ! Le chef de Les Républicains, en effet, a voulu prendre la parole au moment même où Marine Le Pen commençait son intervention.
Précipitation fatale : TF1 lui a préféré la patronne du FN !
Un orateur laborieux, terne et sans inspiration
Ce premier affront, inimaginable jusque-là, a même été suivi d’un second : c’est au Premier ministre, Manuel Valls, que Gilles Bouleau a ensuite laissé l’antenne… De sorte que sur la chaîne de son ami Martin Bouygues, le roi Sarko n’a finalement eu droit qu’à un double différé. Autant dire, un strapontin médiatique.
La sanction a été d’autant plus rude que le président Les Républicains est apparu, plus encore que dimanche dernier, fatigué, terne et sans inspiration : il n’a délivré qu’une collection de platitudes sans grand intérêt, exhortant au "refus de toute collusion avec les extrêmes". Le bateleur de campagne avait laissé la place à un orateur laborieux exécutant l’exercice avec l’enthousiasme du service minimum.
À l’image, le contraste a été rude avec la prestation réussie d’un Xavier Bertrand authentique qui, dès 20h05, du haut d’un pupitre "Le Rassemblement" volontairement œcuménique, a réussi à trouver les mots qu’il fallait pour passer la rampe.
S’affranchissant de son étiquette, le nouveau président de la grande région Nord-Picardie a eu beau préciser qu’il se consacrerait à 100%, désormais, à son mandat régional, on a bien vu, instantanément, que les primaires seraient aussi une très primaire bataille de générations.
La rébellion de NKM continue
Que la carrière de Nicolas, ex bébé Chirac, avait commencé à la fin des années 1970 dans une autre époque, et que les circonstances très particulières de ce scrutin de 2015 pourraient précipiter sa sortie du jeu plus rapidement qu’il ne l’imagine.
Nathalie Koscisuko-Morizet, elle, avait ouvert le feu avant même que son patron n’ouvre la bouche, condamnant la stratégie du ni-ni sarkozyste : si le PS l’avait fait sienne, a-t-elle expliqué avec candeur, le FN aurait pu l’emporter dans les trois régions clé (Nord-Picardie, PACA, Grand Est).
La rébellion de NKM n’est pas nouvelle, certes, mais elle a été d’une soudaineté et d’une violence provocatrice inédites : même Rocard, en son temps, avait pris plus de gants pour contester l’autorité de François Mitterrand, numéro 1 vieillissant du PS.
Durant toute la soirée, la référence à Nicolas Sarkozy a été soigneusement gommée des déclarations des vainqueurs.
Même le fidèle Estrosi, qui, jadis, ne manquait jamais de citer son maître, a fait l’impasse, et c’est à un … Jacques Chirac hospitalisé, et non à son chef de parti en exercice, que Valérie Pécresse, l’héroïne du jour (le prestige de sa victoire en Ile-de-France sauve les Républicains – partis pour un grand chelem – d’un bilan calamiteux), a rendu hommage.
Il a déserté la soirée électorale pour un match de foot
Un peu plus tard dans la soirée, un autre quadra prometteur de l’ex-UMP, Benoist Apparu, député-maire de Châlons-en-Champagne a carrément enlevé au vainqueur de 2007 son dernier grand titre de gloire : s’il a réussi lors de cette présidentielle gagnante à faire baisser le score de Jean-Marie Le Pen à 10%, a-t-il expliqué, c’est en raison de la baisse du chômage, "pas d’un discours plus viril". À bon entendeur…
Et puis, le coup de grâce est venu. Vers 23h15, BFMTV a montré la photo, prise quelques minutes plus tôt, d’un Sarkozy, la mine sombre, avachi dans la tribune présidentielle du Parc des Princes, où il était venu voir son cher PSG écraser Lyon 5-1. Un cliché destructeur.
Ainsi le chef de l’opposition avait déserté le terrain de la soirée électorale pour celui du foot, préférant la compagnie de son ami qatarien Nasser al-Kalhaifi à celle des ténors de son mouvement. Cette désinvolture fait partie du personnage mais, c’est sûr, elle ne passera pas en pertes et profits dans les comptes du bureau national, ce lundi.
Elle fait quand même désordre au moment même où la stratégie droitière et autoritaire du président de Les Républicains vient de montrer toutes ses limites et qu’elle sera mise en accusation.
Il est l'incarnation de la défaite pour la droite
En quelques heures, le favori pour la primaire de la droite et du centre est apparu non seulement complètement déconnecté de la réalité de ce second tour, comme Chirac l’avait été du référendum sur l’Europe de 2005, mais aussi étranger, tout à coup, à l’urgence d’un renouveau des pratiques politiques, réclamés par tous. À côté de la plaque, pour reprendre une formule gaullienne.
Une espèce de dinosaure d’un autre âge qui ne semble plus compter que sur la mécanique implacable mais usée du rouleau compresseur, carburant à l’oubli, une élection chassant l’autre.
À l’exception des rodomontades de Marion Maréchal-Le Pen ou de Florian Philippot, personne, dimanche soir, n’a osé revendiquer une victoire pour son camp. Mais un seul homme a incarné la défaite : celui qui rêve de revenir à l’Elysée dans 18 mois. Pour lui, le compte à rebours est lancé, et pour la première fois, le temps n’est pas bienveillant avec lui. Il pourrait même être assassin.